Pirogues mahoraises

(…) Un bateau représente, pourrait-on dire, au moment de sa construction, la synthèse d’une culture. (…) Un bateau résume une société.

Jean Poujade, Collection de documents d’ethnographie navale. Fascicule introductif, Gauthier-Villard, Paris, 1948, pp.13-14

En janvier 2019, les cabinets YG Marine Design et Yacht Design Collective ont été mandatés par l’Agence Française pour la Biodiversité (AFB) afin d’accompagner le Parc Naturel Marin de Mayotte dans l’étude du prototype d’une embarcation «éco-conçue» sur le modèle de la pirogue traditionnelle mahoraise (pirogue de construction monoxyle à balancier).

Depuis les années 1950, l’île de Mayotte est exposée à des pressions anthropiques fortes dans un contexte d’explosion démographique et de développement socio-économique.

Ces pressions se sont intensifiées à partir des années 1980 et sont à l’origine de changements dans l’environnement de l’île et de son lagon ainsi que dans les pratiques traditionnelles mahoraises.

En 2017, le service ingénierie du Parc, en charge de la sauvegarde et de la pérennisation des activités traditionnelles mahoraises, dresse un constat relativement pessimiste sur la pratique actuelle de la construction de pirogues traditionnelles mahoraises, la laka, ainsi que les activités de pêche, de transport, de plaisance, et de compétition qui lui étaient associées :

  1. Le savoir-faire associé à la construction des pirogues monoxyles est menacé par la modernité, concurrencé par des bateaux en résine :
  • Le nombre de pirogues traditionnelles est en déclin depuis 10 ans. En 2005, le Parc comptait une flotte de 1000 pirogues, en 2017, 730 pirogues furent recensées par les agents du Parc.
  • Les fundis pirogue, maîtres piroguiers, sont moins nombreux car peux de jeunes se tournent vers cette tradition.
  1. Le bois utilisé pour la construction est coupé illégalement dans un contexte de gestion rigoureusement réglementée des forêts pour la préservation des espaces boisés ;
  2. Les embarcations traditionnelles ne sont pas conformes aux normes européennes pour une navigation au-delà de 300m des côtes ;
  3. La navigation en pirogue à voile a quasiment disparu de l’île.

Dans le cadre de ses objectifs de gestion, le Parc, soucieux de préserver à la fois la tradition mahoraise et l’environnement du lagon, recherche une alternative durable à la construction traditionnelle monoxyle peu économe en bois.

En outre, il s’agit de moderniser un type d’embarcation vernaculaire afin de répondre et d’anticiper les exigences règlementaires en termes de sécurité et de développement durable.  Mais, à la fois, de pérenniser et redynamiser un savoir-faire technique traditionnel aujourd’hui en déclin ainsi que des pratiques vivrières et récréatives au cœur de l’identité mahoraise.

Dans le cadre d’une enquête de terrain, menée courant Avril 2019, à Mayotte, YG Marine Design et le YDC ont rencontré un tissu d’acteurs associés à cette pratique vernaculaire : constructeurs de pirogues, pécheurs, administrations, associations et établissements scolaires.

Ce voyage et les rencontres qu’il a suscité ont permis de dresser un état de lieux de l’écosystème dans lequel s’organise la construction des pirogues et de préciser le cahier des charges de l’embarcation prototype à réaliser ainsi que les enjeux de la mission de conception.

ENJEUX :

  1. Mise en conformité avec la réglementation européenne :

Assurer la conformité des pirogues avec la réglementation européenne pour une navigation côtière limitée à la catégorie D (vent 4 beauforts, hauteur significative de vague de 0,5m). Cela permettrait une navigation dans l’intégralité du lagon.

  1. Utilisation raisonnée du bois de construction :

Insérer la collecte du bois de construction dans une gestion raisonnée et vertueuse des ressources forestières mahoraises afin d’apporter une solution à la coupe illégale du bois.

  1. Capitalisation et transmission des savoir-faire traditionnels :

Pérenniser un savoir-faire traditionnel en capitalisant sur les connaissances techniques traditionnelles (sélection des bois, choix des formes…) et la mémoire du geste au profit de projets de construction moderne.

  1. Modernisation des pratiques en respect de la tradition :

Dynamiser une pratique au cœur de l’identité mahoraise en la consolidant par les savoirs et techniques « modernes » de construction afin de concevoir des embarcations plus performantes : légères, simples d’usage, attractives, fiables.

  1. Promotion d’une pratique récréative de la Laka accessible à toute la population mahoraise :

Concevoir un nouveau modèle de Laka compatible avec une pratique récréative et sportive afin d’étendre son utilisation aujourd’hui essentiellement associée aux activités vivrières.

mission: diagnostique / conception
maître d’oeuvre: yg marine design / yacht design collective
maître d’ouvrage: agence française pour la biodiversité / parc naturel marin de mayotte
statut: phase DIAG

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *